Peinture de Roerich

Deux manières de cheminer


Il existe deux manières d'appréhender l'ésotérisme et la connaissance ésotérique. Soit en cherchant à se comprendre soi-même, et en étudiant avec le C?ur, soit en ingurgitant de la nourriture livresque jusqu'à saturation. Or, si la première voie amène à l'émancipation spirituelle, car elle comporte les deux composantes essentielles de la spiritualité (l'intelligence et l'amour), la seconde est vouée à l'échec d'un point de vue "spirituel". Du moins à court terme car rien n'est irréversible. :o)

Même en s'intéressant à des textes "dits ésotériques", que cela soit la Doctrine Secrète de Mme Blavatasky, le Traité sur le Feu Cosmique d'Alice Bailey, le Sepher Ha Zohar ou la Kabbale mystique de Dion Fortune, cela ne fait pas d'un étudiant un "ésotériste". Il est en effet très aisé, voir rassurant, d'apprendre tout un ensemble de choses, de données, de connaissances et de raisonnements, de symboles et de signes diverses, de références et de citations, de chiffres bien fournis et de termes complexes aux multiples interprétations, de formules mathématiques aux contenances les plus diverses, de pensées d'autrui et de phénomènes cosmologiques, astrologiques, sociologiques, historiques et économiques sans que cela n'apporte quoique ce soit à l'âme dans son ensemble - si ce n'est de remplir copieusement le cerveau intellectuel d'un met de choix, jusqu'à en faire une indigestion manifeste.

L'indigestion intellectuelle


Pour peu que l'individu - le disciple - se trouve dans une situation de transcendance, où il a senti, vu, cette chose qu'on appelle "la Beauté" ou "la Présence", aperçu infime de l'omnipotence, omniprésence et omniscience de la Divinité en manifestation, il lui sera logique de se retrouver à chercher à la comprendre, coûte que coûte, par tous les moyens, en étudiant tous les ouvrages de tous les "grands auteurs" de référence, se disant "Parfait, j'étudie tel ouvrage, et je saurai tout, tout, tout sur (le zizi ?) la Cosmologie Esotérique." :o)

Si ce comportement est louable, de prime abord, il en ressortira deux phénomènes particuliers. D'une part, une indigestion intellectuelle réelle, comme un plat de choucroute garnie restant sur l'estomac mental, et, d'autre part, une insatisfaction qui risque d'élancer le disciple dans un état, non seulement de dépendance mentale dans des cas extrêmes, mais surtout de déprime - le disciple n'étant pas parvenu à trouver ce qu'il cherchait dans des livres car il le ne cherchait pas dans son c?ur.

Le piège des sectes


Des personnes mal intentionnées (comprendre "au mieux" des gourous de sectes, au pire des "Frères Sombres") peuvent aisément profiter de cet état de fait pour apporter une (fausse) satisfaction au disciple, déçu de n'avoir pas trouvé ce qu'il cherchait. En lui apportant leur amour ou leur affection, sous couvert de révélations et de certaines clefs de la connaissance, il est alors aisé de les embrigader et endoctriner dans des errances destructrices pour la santé mentale comme matérielle.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que les disciples engagés dans des sectes diverses sont généralement à la recherche d'une forme d'amour particulier (famille, le "père" gourou) ou d'une recherche de réalisation de transcendance dans une affirmation de soi (où le disciple de la secte est mis sur un piédestal dans la Gloire d'Entité(s) supérieure(s) à lui). D'où la nécessité de lutter contre les sectes dangereuses dans la volonté d'aider les disciples à ne pas se disperser et à trouver le juste milieu dans leur quête.

Revenons à la connaissance ésotérique. Il faut bien comprendre que ce n'est pas la lecture de tel ou tel livre qui rendra telle ou telle personne meilleure. Seuls ses actes, au sens large (les actes mentaux - comprendre l'ouverture de la pensée sont à inclure dans cette notion), importent réellement. Ces actes ne peuvent se réaliser que par une ouverture du c?ur à la conscience - l'Amour est réellement le maître mot ! Car, sous des couverts intellectuels, la Connaissance est véritablement à saisir au sens biblique du terme : une union, une amour, un "acte sexuel" (puisse-t-Il me pardonner d'user de la trivialité de l'image) avec la Divinité.

N'importe qui peut, en effet, apprendre quoique ce soit par c?ur sans le mettre en action dans sa vie quotidienne. L'exemple le plus simple est celui des théologiens exotériques qui apprennent par c?ur des phrases pleines de sagesse de la Bible tout en vous condamnant à l'Enfer ou en s'arrêtant aux pires préjugés quant à votre personne. Outre les inquisiteurs du Moyen-Age ("Si nous vous torturons et vous mettons au feu sur un bûcher, c'est parce que nous vous aimons"), la réalité est encore bien présente dans la religion d'aujourd'hui. Je ne citerai pas, pour ma part, le puritanisme américain et les armes disponibles aux gamins de 15 ans dans les écoles ou la peine de mort appliquée à tout va, ni les personnes médisantes que nous pouvons côtoyer et qui vont à la messe tous les dimanches au nom de la Sainte Rédemption. J'aimerais juste faire état d'une petite discussion toute simple avec une très sympathique s?ur catholique rencontrée, par hasard, dans ma vie quotidienne.

L'attachement au dogme


Outre le conseil de ne pas me marier, tant elle avait vu de mariages finir dans la boue, elle me demanda si j'étais croyant. Je lui répondai, sympathiquement, que j'avais la foi, mais que - je ne pus finir ma phrase, puisqu'elle la finit à ma place en disant "croyant mais pas pratiquant". Je lui expliquai, qu'en fait, je n'étais pas baptisé et que je n'avais jamais fait aucun catéchisme (exotérique, allais-je rajouter mais je me tus). J'essayai de lui expliquer, histoire de la "rassurer", que j'avais eu ma propre révélation, que j'étudiais la bible et que je croyais au Christ et au message de Jésus. Sa réaction fut non seulement étrange mais réellement surprenante : tout ceci ne comptait pas à ses yeux ; le problème était que je n'avais pas été baptisé et que je ne pouvais, dès lors, accéder à une quelconque rédemption. Je demeurai alors évasif pour finir la discussion.

Cette anecdote, somme toute personnelle, montre combien il est aisé d'être dans l'erreur. Et combien n'importe qui peut se réclamer "de Dieu" ou d'une "obédience" particulière (si vous consultez les archives de la section "Personnel / Pensées", vous trouverez la même situation avec des francs-maçons), sans en être un représentant "effectif" de l'authenticité. N'importe qui peut, en effet, sous des couverts de "socialisme" en politique, ou de connaissance ésotérique quelconque, se réclamer de telle ou telle pensée. Et si certains sont aveugles, grand bien leur fasse de cette "honnêteté" intellectuelle, d'autres, plus vicieux, en joueront avec délectation pour arriver à leurs fins. A nouveau, nous voyons ici les gourous de sectes mal intentionnés, usant du mouvement New Age comme d'un vecteur de pouvoir, alors que les "Frères Sombres" se joueront des yeux non avertis (connaissance de la Théosophie, de la Kabbale et que sais-je encore) pour jouer leur rôle obscure. La connaissance seule ne saurait donc être la garante d'une réelle voie spirituelle. Et l'égoïsme des institutions, parfois sincères, à vouloir s'approprier une telle connaissance est manifeste du comportement "anti-spirituel". D'où une errance navrante, plus ou moins importante, des écoles spirituelles à l'origine authentiques (comme la Société Théosophique, l'Ecole Anthroposophique, certaines loges Rose-Croix ou la Franc-Maçonnerie d'aujourd'hui) qui se sont emmitouflées dans une certaine coupure à l'ouverture d'esprit qui formait la base de leur établissement originel.

L'orgueil : premier et dernier piège


J'aimerais terminer cette réflexion par un point que je considère très important : l'orgueil. L'orgueil est le premier et dernier obstacle au cheminement spirituel. Puisque la spiritualité est l'ouverture de la conscience à l'omniprésence de l'esprit, en toute chose comme en tout être, tout ce qui accuse d'un enferment de sa conscience sur sa propre personne induit, indubitablement, un comportement qu'on pourrait qualifier d'"anti-spirituel". L'égoïsme matériel n'est rien face à l'égoïsme spirituel, qu'on pourrait appeler "égotisme". La glorification de sa propre pensée au dépend de celle des autres encourage une séparativité entre les êtres et ?uvre donc contre le plan divin de l'émancipation de la conscience. Ce sera d'ailleurs l'une des plus belle arme des "Agents de l'Ombre" pour faire chuter l'Apprenti sur son Sentier. Apprendre à relativiser sa propre pensée, comme à relativiser celle des autres, c'est se mettre dans la voie du milieu, entre la Rigueur et la Miséricorde, et cheminer avec AUTHENTICITE. Du couple de la Connaissance et de l'Amour doit émerger la Conscience de l'Esprit - et tel est ce qui doit être retenu.

La diversité des hommes et leur unité


Dans la Justice du C?ur, prendre en compte un tel principe est prendre conscience que les hommes cheminent tous, du plus élevé au plus petit, du plus gentil au plus méchant, du plus pur au plus vil. Le Diamant de la Connaissance, dit Vérité, est à mille facettes.

Reconnaître qu'il existe une hiérarchie - verticale - des hommes dans leur état de conscience ne doit pas appeler à un sentiment de supériorité des uns par rapport aux autres mais, bien au contraire, d'une part, à une volonté d'aide à ceux qui ne sont pas forcément éveillés comme on peut se le reconnaître avec humilité et, d'autre part, à une relativisation de soi par rapport à ceux qui sont les Initiés et nos Maîtres.

Reconnaître qu'il existe une diversité de voies différentes - horizontale - s'échelonnant sur une gamme de couleurs et de sons resplendissante, de la rituélique à la recherche artistique, de la connaissance à la dévotion, doit nous encourager à voir que différentes voies sont possibles pour s'avancer sur le Chemin de l'existence, chacune ayant son importance, ses propres obstacles, ses propres portes et ses propres clefs. Cela n'est pas reconnaître que les hommes sont différents en essence mais uniquement en conscience, et que les aspects d'Intelligence, d'Amour/Sagesse et de Volonté habitent l'esprit de chacun de nous. C'est aussi, et surtout, appeler à l'union de tous les êtres, dans l'harmonie de l'humanité, le respect et la diversité des chemins. Car nous arpentons tous, qui que nous soyons, où que nous soyons, d'où que nous venions, le même chemin empli de Beauté : le Chemin de la Vie.

Tel est le manifeste de ce site web.