Blavatsky

En soi, il ne me semble pas intéressant de développer l'histoire complète de la vie de Mme Blavatsky ou de la création de la Société Théosophique. D'abord parce qu'il existe de très bons ouvrages sur la question ; ensuite parce qu'il existe de très bons sites sur la question ; et, enfin, parce que là n'est pas la question ! ;-)

Blague à part, le site de la Loge Unie des Théosophes, une association Loi 1901 qui fait un très bon travail de diffusion de la pensée originelle de la doctrine théosophique, comporte un article sur la vie de Mme Blavatsky suffisamment étoffé pour que je n'ai pas à en faire un résumé qui serait limitatif. Vous pouvez le consulter par ici : Vie d'Helena Petrovna Blavatsky.

Néanmoins, mon optique sera de développer la question de l'apport de Mme Blavatsky à la théosophie moderne.

Mme Blavatsky (1831-1891), dans la seconde moitié du 19ème siècle, a été une initiée qui a pu avoir accès à l'enseignement de Maîtres de Sagesse, résidants en Inde pour la plupart. Dans cette période d'expansion de l'occultisme de la seconde moitié du 19ème siècle - période où de nombreux groupes et sociétés ésotérico-occultes se créaient, des Martinistes français en passant par les kabbalistes, les Rose-Croix, et, pêle-mêle, la découverte de textes orientaux et du spiritisme, il était nécessaire d'établir les bases d'un enseignement cohérent mais étoffé pour permettre aux individus de trouver une assise solide à leur étude.

D'abord par l'intermédiaire d'un ouvrage appelé "Isis Dévoilée", qui consistait à lever le voile sur les correspondances symboliques des différentes civilisations et sur ses liens avec l'occultisme, puis de façon réelle et définitive avec "La Doctrine Secrète", Mme Blavatsky a établi la mise à jour d'un texte hautement occulte conservé dans des monastères ésotériques tibétains : les Stances de Dzyan. Il fut demandé à Mme Blavatsky de remplir un rôle fondamental dans l'établissement d'une renaissance des enseignements occultes conservés en l'attente de la période contemporaine.

En fondant en 1875 la Société Théosophique, un groupe spiritualiste ayant pour volonté de "former" des disciples à cet occultisme renaissant fondé sur le bouddhisme et l'hindouisme ésotériques, Mme Blavatsky et ses collaborateurs (M. Judge, M. Olcott ou Mme Mabel Collins, par exemple) souhaitaient assurer la diffusion de l'enseignement des Maîtres de Sagesse.

"La Doctrine Secrète" est sans nul doute la première pierre de l'enseignement théosophique (dont, au passage, les oeuvres de Mme Annie Besant et Mgr Leadbeater seront des interprétations "débrouissallées" ; et donc, par voie de conséquence, plus ésotériques qu'occultes, mais néanmoins tout autant intéressantes que pertinentes). "La Doctrine Secrète" constitue également ce dont on a pu parler dans la section Généralités : la première des trois pierres d'un enseignement fondamental des Maîtres de Sagesse pour la période à venir.

A titre indicatif, deux courts ouvrages me semblent absolumment fondamentaux pour comprendre le bouddhisme ésotérique de la Théosophie moderne, en parallèle de "La Doctrine Secrète" (qui est un ouvrage plus profond qu'un simple enseignement d'une des traditions), l'un retranscrit par Mme Blavatsky, l'autre par Mme Mabel Collins : "La Voix du Silence" et "La Lumière sur le Sentier". Si "La Lumière sur le Sentier" est une bonne approche de la question du cheminement intérieur, "La Voix du Silence" constitue un véritable pamphlet de réflexion se présentant sous la forme d'un dialogue entre Maître et Disciple.

Mme Blavatsky était une personne très particulière. Grande dame, grande initiée, surnommée à l'époque "Cagliostro au féminin", sorte de mystère étonnant (on la retrouve aux côtés de Garibaldi, tout en ayant parcouru le monde à la recherche d'initiés pouvant lui enseigner les mystères de l'occultisme), il n'en demeure pas moins que la dame... avait un caractère de cochon. Et ses sautes d'humeur terribles (de grandes colères intransigeantes) en déstabilisèrent, mais en irritèrent aussi, plus d'un. On peut cependant imaginer que l'ampleur de la tâche qui lui était confiée nécessitait d'avoir une forte personnalité, parfois tonitruante.

Anti-conformiste, grande fumeuse de cigarettes (33 cigarettes par jour, raconte-on), en proie à des dons médiumniques notables, elle s'est attaquée à remettre en question un ordre établi de façon pour le moins véhémente : critiquant les spirites, dénonçant les autorités religieuses, militant pour la reconnaissance de l'Inde face à l'Angleterre colonialiste, donnant de grands coups de pieds dans la fourmilière naissante de la science post-industrielle ou bien dénonçant le conservatisme hautain des Martinistes français, la dame se fit beaucoup d'ennemis, et connut donc de nombreux détracteurs. Elle n'en demeure pas moins un personnage étonnant (et détonnant) qui fit couler beaucoup d'encre et resta dans la mémoire des occultistes et une référence en matière d'occultisme contemporain. On l'accusa de supercheries, de mensonges, de manipulations, et toutes sortes d'attaques furent dirigées contre elle. Si certaines d'entre elles se sont révélées infondées ou infirmées au cours du 20ème siècle (sur l'existence des Maîtres, l'authenticité de l'ouvrage à partir duquel elle recueillit les Stances de Dzyan qu'on disait inventées, la reconnaissance de la falsification d'un rapport de la Society of Psychological Research de l'époque par ce même organisme 100 ans plus tard, dans les années 1980, ou bien encore sur la pertinence bouddhiste de la Théosophie qui a été reconnu par des autorités religieuses bouddhistes entre temps), il n'en demeure pas moins que ses écrits suscitent encore aujourd'hui de vives critiques parmi certains spiritualistes.

La polémique ne nous intéresse pas outre-mesure à ce sujet, même si nous la comprenons. Nous avons néanmoins la certitude inaliénable de l'authenticité de la "Doctrine Secrète" ou de la "Voix du Silence", et nous savons que l'occultiste sincère et honnête saura y découvrir les secrets.

Néanmoins, la Société Théosophique a connu ce que toute institution humaine connaît : une errance progressive vers des luttes intestines, des conflits d'intérêts entre groupes dissidents, et autres conduites dogmatiques. Sans devenir un groupuscule pro-financier ou sectaire, l'institution a connu néanmoins un état de critalisation qui a conduit la création d'émanations autonomes quelques années après le décès de Mme Blavatsky, ainsi qu'une inconstance de la part des présidents succédants à Mme Blavatsky (Mme Annie Besant et Monseigneur Charles Leadbeater, grands initiés au demeurant). On peut citer, émanant de la Société Théosophique, la Loge Unie des Théosophes (prônant la concentration exclusive sur les textes originels de Mme Blavatsky, M. Judge ou Mme Collins), l'Ecole Anthroposophique, fondée par le très connu pédagogue spiritualiste Rudolf Steiner, qui se fonde sur une sorte de christiannisation de l'enseignement orientaliste théosophique, ou bien encore le Lucis Trust / Ecole Arcane de Mme Alice Ann Bailey, dans la première moitié du 20ème siècle (nous y reviendrons).