Annie Besant et Charles Webster Leadbeater

Suite au décès de Mme Blavatsky, la Société Théosophique a évolué selon un ligne différente. Comme nous l'avons dit, des luttes intestines sont apparues entre différents courants de pensée. Néanmoins, la Société Théosophique a maintenu une influence importante, en Angleterre, aux Etats-Unis et en Inde, dans la diffusion des écrits théosophiques.

Mme Annie Besant et Mgr Charles Leadbeater (fondateur de l'Eglise Catholique Libre qui, soit dit au passage, est officiellement reconnue par le Vatican) étaient deux initiés des plus pertinents. Particulièrement Charles Leadbeater dont les écrits révèlent une connaissance sérieuse de certaines subtilités ésotériques.

Néanmoins, en parallèle des luttes intestines et des scissions qui secouèrent la Société Théosophique (Ecole Anthroposophique, Loge Unie des Théosophes, ou encore Ecole Arcane / Lucis Trust d'Alice Ann Bailey, dans les années 1920-1930, si ma mémoire est exacte), certains scandales et évènements ont entâché de façon notable la Société Théosophique. Et on peut dater une perte d'influence de ce groupement spiritualiste à partir des années 1930 (bien que, en Inde, la Société Théosophique ait continué de lutter pour une reconnaissance de l'indépendance et exerce, encore aujourd'hui, une influence sensible).

Charles Leadbeater a, en effet, été accusé d'homosexualité et de pédophilie. A l'analyse des faits, Charles Leadbeater était effectivement homosexuel. Quant aux accusations de pédophilie, elles ont reposé sur des propos qu'aurait tenu Charles Leadbeater en face d'enfants accueillis en catéchisme. Dans une rencontre de l'Eglise Protestante à New York, de profession de foi catholique, Charles Leadbeater avait commis la faute d'être trop progressiste pour l'époque (fin 19ème siècle) : il expliquait aux enfants que la masturbation était une chose naturelle pour l'émancipation de l'individu.

Si l'affaire fit scandale et finalement amoindrie, les voix à l'encontre de Mgr Leadbeater reprirent de plus belles lors de l'évènement Krishnamurti et l'Ordre de l'Etoile. Annie Besant et Charles Leadbeater, convaincus de voir en un jeune enfant hindou l'avatar d'un initié de haut degré, l'adoptèrent et prirent pour décision de fonder un Ordre (l'Ordre de l'Etoile) visant à former l'enfant à la spiritualité occulte. Ce dernier, qui deviendra l'illustre philosophe hindou du nihilisme bouddhiste au rayonnement mondial que l'on connaît - Krishnamurti - parvenu à sa majorité, prit la décision de dissoudre l'Ordre de l'Etoile et d'affirmer son refus en bloc de la Société Théosophique. Cet évènement majeur annonça le déclin de la Société Théosophique (voir l'explicatif sommaire mais synthétique de l'affaire Krishnamurti).

Si cet évènement a fortement marqué la Société Théosophique, nous n'y prêtons néanmoins guère d'attention, dans la mesure où les enseignements de Mme Annie Besant et, surtout, de Mgr Leadbeater, demeurent véritablement pertinents. Il est alors nécessaire de faire une mise au point essentielle : de notre opinion, peu importe la façon dont les évènements se sont déroulés. Comme je l'ai affirmé précédemment, les institutions humaines demeurent ce qu'elles sont : de simple regroupements d'individus divers, de qualités diverses, dont l'évolution aboutit systématiquement et irrémédiablement à une cristalisation des formes et des lignes directrices. Et, tout simplement, par une sénécence et une dégénérescence. C'est dans la renaissance des impulsions qui ont animé les courants à leurs origines, et cela sous d'autres formes (comme cela a été le cas, de notre point de vue, avec le Lucis Trust d'Alice Ann Bailey), que l'intérêt, la quintessence, peut être trouvée. Seuls importent les enseignements ésotériques et leur teneur. Et c'est à ce titre que l'on pourra déterminer si un écrit est le fruit d'une investigation sincère et appliquée ou celui d'une affabulation ou d'une illumination.

Dans ce cadre, peu importe si Mme Besant et Mgr Leadbeater se sont trompés vis-à-vis de Krishnamurti (bien qu'ayant au moins "prévu" son influence mondiale dans le domaine de la spiritualité), si ces deux initiés ont été victimes d'une "illusion mentale", si cet évènement de refus a été décidé pour "remettre la Société Théosophique à sa place" dans ses errances, ou si Krishnamurti a tout simplement fait le choix conscient de refuser ce qui aurait été une éventuelle destinée. Ce qui demeure est l'apport de Mgr Leadbeater et de Mme Besant à la théosophie moderne.

Dans cette seconde phase de la théosophie moderne, succédant au décès de sa fondatrice, Mme Blavatsky, l'enseignement premier de la théosophie (contenu dans sa complétude dans la Doctrine Secrète) a été désocculté et ésotérisé. Digéré, conceptualisé, systématisé, occidentalisé, il en ressort un dogme beaucoup plus accessible et compréhensible que l'obscurité (car occulte) de la Doctrine Secrète. C'est donc avec un grand intérêt qu'on pourra aborder les ouvrages de Mgr Leadbeater ou de Mme Besant qui, s'ils n'ont retenu (consciemment et à dessein) de la Doctrine Secrète qu'une dimension ésotérique, ont permis de clarifier de nombreux points de la théosophie - la Doctrine Secrète devenant alors un ouvrage d'approfondissement (occulte) de l'enseignement présenté par les deux initiés théosophes. Il n'en demeure pas moins que, grâce à ce travail, les questions des rondes, manvantaras et globes, plans existentiels, véhicules subtiles de l'homme et chakras, ont été développés de façon claire et concise.

C'est d'ailleurs à partir de la terminologie simplifiée et systématisée de ces deux auteurs (compilés par le disciple appliqué Arthur E. Powell dans ses ouvrages synthétiques) qu'une étude occulte de la Doctrine Secrète a été accomplie par la suite, dans les années 30-40, par le biais de la Clef Psychologique de la Doctrine Secrète, la Seconde Pierre de l'édifice de l'enseignement pour le Nouvel Âge : l'oeuvre du Tibétain et d'Alice Ann Bailey.