On a considéré, dans la première partie, la vérité d'un point de vue plutôt individuel, bien que la notion de groupe ait été effleurée. L'ensemble des éléments avancés précédemment est valable de la même manière pour un groupe.
La vérité d'un groupe
Un groupe est une unité de conscience semblable à un individu. Il est composé d'individus tout comme un individu est composé d'atomes. Lorsqu'un groupe d'individus partagent un même "dharma", c'est-à-dire une intention de vie, souvent exprimée extérieurement sous la forme d'une identité de groupe, il s'agit d'une unité de conscience. Il connaîtra une évolution dans sa conscience globale, qui dépassera la stricte somme de ses parties, et qui sera indépendante des parties qui le composent (un groupe a une existence propre qui peut supporter l'arrivée ou le départ d'individus qui le composent, si ces mouvements sont organiques et encore plus s'ils sont ordonnés). Concernant la famille humaine, il existe des groupes de différentes tailles : des familles, des habitants d'une ville, d'une région, d'une nation, d'une "race-rameau" (= une communauté d'esprits plus ou moins homogène et transnationale souvent illustrée par une communion linguistique), d'une "race-racine" (= une communauté d'esprits plus ou moins homogène et mondiale d'une civilisation souvent illustrée par une communion culturelle et morale), ou encore l'Humanité considérée dans sa globalité, avec toutes sortes de communautés de tailles intermédiaires entre ces différents niveaux. Chaque groupe au sein de ces grands-types de groupes aura son propre référentiel de vérité qui lui sera propre et qui correspondra à son degré d'évolution spirituelle.
Une parenthèse sur le mot "race" : illustration d'une vérité de groupe
Je profite de l'occasion d'utiliser le mot "race" - utile pour définir des communautés globales qui ne sont pas nécessairement identifiées par les sciences sociales - pour illustrer le sujet de la vérité relative pour un groupe. Lorsque des théosophes modernes ou des étudiants du Tibétain / d'Alice Bailey utilisent aujourd'hui ce mot, il ne signifie plus la même chose que ce qu'il représentait pour les théosophes de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème siècle.
En effet, le mot "race" est souvent utilisé dans la littérature théosophique anglosaxone de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, suivant un usage commun de ces différentes époques avec des connotations plus ou moins péjoratives (son usage était en corrélation avec les croyances "scientifiques" fin XIXème en la hiérarchie des supposées races au niveau biologiques) ; le terme est encore utilisé dans le monde anglosaxon américain aujourd'hui pour décrire des problématiques identitaires et communautaires qui sont constitutives de la société nord-américaine, en particulier dans les rapports entre la communauté noire américaine et les personnes blanches aux Etats-Unis ; toutefois, en langue française, depuis la fin de la seconde guerre mondiale et d'autant plus en ce premier quart du XXIème siècle, il présente une connotation extrêmement péjorative et est généralement utilisé pour justifier des analyses séparatistes qui nous semblent erronées d'un point de vue spirituel ; il devra donc être utilisé avec prudence et en rappelant qu'il n'existe pas scientifiquement et biologiquement parlant de races humaines différentes mais une seule espèce humaine. Cette dernière affirmation n'est pas une opinion mais un fait, réel et impérieux.
Aujourd'hui, à mesure que le concept de "race" s'efface de la mentalité humaine comme un concept créant trop de séparatisme (et qu'il ait été manipulé par les ennemis de l'Humanité notamment pendant la seconde guerre mondiale, dans l'esclavagisme et au sein de sociétés politiques comme l'apartheid), les ésotéristes actuels mentionnent du bout des lèvres les idées théosophiques de "races-racines" (la race Lémurienne, la race Atlante, la race Indo-Européenne ou Indo-Aryenne, etc.) ou de "sous-races" (les Toltèques, les Haut-Chinois, les Celtes, les Iraniens, etc.) qui sont des sous-rameaux des race-racines. Il est intéressant d'observer que ce concept qui était central dans la compréhension de l'évolution de l'Humanité chez les théosophes de la fin du XIXème siècle, l'est beaucoup moins 60 ans plus tard chez Alice Bailey. Et de nos jours, même si ces "communautés de civilisations" (tel qu'on pourrait désigner ces ensemble-groupes pour éviter le mot embarrassant de "race" trop chargé aujourd'hui), on constate que le concept-même a complètement évolué depuis un pré-supposé biologique au XIXème siècle (dans la droite ligne du naturalisme de Darwin ou de la naissance des nationalismes européens) jusqu'à désigner aujourd'hui plutôt une communauté d'idées et d'identité collective. Nous sommes passés en un siècle d'un concept physique et biologique à un concept identitaire et politique, d'un corps à un esprit.
L'évolution de ce concept de "race" illustre bien ce que représente l'évolution d'une "vérité". Pour la grande majorité de la communauté scientifique du XIXème siècle, il existait dans l'Humanité des races biologiquement différentes (classifiées selon des phénotypes physiques et synthétisées par des couleurs : blanche, noire, jaune, rouge...) : il s'agissait d'une vérité entendue et normée. Pourtant, l'évolution de la connaissance scientifique (au travers de l'évolution de la méthode d'analyse scientifique et l'exploration de la génétique) mais aussi l'évolution morale et politique des communautés humaines confrontées notamment aux horreurs du nazisme, à la reconnaissance de l'esclavagisme ou de la ségrégation nord-américaine ou d'Afrique du Sud, ont permis de dresser progressivement une nouvelle vérité : il n'existe pas de races au sens biologique mais bien une unité biologique réelle entre les différents individus sur Terre, quelle que soit leur origine ethnique réelle ou supposée. Progressivement, cette vérité scientifique s'est imposée et a fini par être reconnue par la plupart des individus du groupe global de la civilisation occidentale. Cette reconnaissance scientifique, puis morale, s'est mue en vérité politique et institutionnelle, avec des lois venant garantir le partage de cette nouvelle vérité.
Pour autant, il existe des individus et des groupes humains (des communautés politiques essentiellement), qui appartiennent bien au groupe global "Humanité", mais qui vont considérer que les races existent au niveau biologique. Ils partagent donc une autre vérité, qui n'est pas scientifiquement vraie (puisque ce qui est scientifiquement vrai est ce qui est partagé par la communauté scientifique globale), et qu'ils opposent à la vérité devenue la norme sociale du groupe principal. Dans le cas présent, leur vérité de groupe se fondera sur une appréciation plus séparatiste par rapport aux autres groupes humains : "notre communauté est différente des autres communautés, qui sont inférieures à la notre". Cet état de fait permet d'illustrer un concept déjà évoqué : c'est le degré de conscience d'un groupe qui va définir son degré d'inclusion et donc sa vérité sous-jacente.
La vérité d'un groupe est un point de référence qui dépend de sa conscience
On comprend dès lors que ce que nous avons dit au sujet de la vérité au niveau d'un individu est applicable à une unité de groupe :
- une vérité est quelque chose que le groupe a défini comme étant un standard ou une norme ;
- cette vérité est relative au degré de conscience du groupe ;
- une vérité est son point de référence qui est un indépassable jusqu'au moment où le groupe va élargir sa conscience au gré de ses expériences et le remettre en question pour définir un nouveau point de référence ;
- l'ensemble des vérités de ces groupes, aussi controversées et opposées les unes aux autres qu'elles soient, sont autant d'aspects de la vérité unique qui est le point de référence de l'univers ;
- la vérité d'un groupe est une Parole magique et spirituelle qui va avoir un effet sur la réalité du monde en dévoilant ce qui était dévoilé. Par exemple, dans le cas du concept de "race", énoncer la réalité scientifique de l'unité biologique de l'espèce humaine a refaçonné au fil des décennies les relations entre les individus et le devenir de millions si ce n'est de milliards d'humains sur la Terre qui auparavant étaient discriminés au nom de vérités différentes qui étaient fausses d'un point de vue biologique, alors même que ce biais fondait cette ancienne "fausse vérité" de l'existence des races. Une vérité a donc bien une dimension performative et auto-réalisatrice, "magique" pourrait-on dire.
La vérité d'un groupe est un chemin qui est l'inclusion de la vie
Nous avons établi que la vérité d'un groupe est un point de référence sur lequel une entente temporaire existe : chaque groupe a sa vérité. Nous pourrions nous arrêter là dans la réflexion. Nous serions face à une aporie (c'est-à-dire une discussion inachevée) ne nous permettant pas d'appréhender la Vérité spirituelle. Car si chaque groupe détient sa vérité, s'en tenir là ferait courir le risque de rester dans un état de relativisme général, où toutes les vérités se valeraient les unes par rapport aux autres, sans hiérarchie ou notion de progrès.
Pour qui veut aller plus loin et cherche à identifier ce qui serait la Vérité spirituelle, il est nécessaire de se poser la question suivante : qu'est-ce que le point de référence qui inclurait tous les autres et qui permettrait d'être le commun de groupes plus grands, comme l'Humanité ou la communauté des êtres vivants ?
Jésus (le maître Jésus) semble donner une clef. Il serait possible de suivre d'autres conseils mais ce que propose son aphorisme a la grande valeur d'être simple et de cocher les cases de différents aspects de la vérité que nous avons énoncés. Faisons l'hypothèse qu'il possède une clef, au même titre que d'autres instructeurs de la civilisation humaine occidentale ou orientale, et que nous pouvons nous en servir pour ouvrir une porte.
Il énonce, nous l'avons dit : "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie". Il définit ainsi de manière très simple ce qui pourrait être la vérité dans son absolu, c'est-à-dire "la plus grande réalité possible qui inclue toutes les vérités relatives". Qui s'identifie à Lui (en tant que principe de l'inclusion la plus grande pour l'humanité - la réalité du Christ ou pas n'a pas d'importance pour notre démonstration), prend le chemin de la communauté la plus large des hommes, ce qui revient à intégrer une Vérité spirituelle qui révèle la Vie, ce principe premier qui anime toutes les entités de conscience du monde.
La vérité spirituelle nécessite donc, pour être appréhendée, de suivre un chemin, c'est-à-dire une progression, qui est l'inclusion (= la connaissance et/ou la réalisation) de la Vie là où elle se trouve, c'est-à-dire dans toutes les entités conscientes qui possèdent en leurs coeurs la flamme de la vie. Que sont ces entités conscientes ? Elles sont nombreuses. Spontanément, on pense aux être humains et aux animaux, nos cousins du règle animal. Et on pense ensuite aux insectes et aux végétaux. Mais qu'en est-il des minéraux qui semblent inertes et qui, pourtant, comportent aussi dans leur coeur une forme de vie latente, car les minéraux irradient divers rayonnements (que la science moderne appelle la radioactivité). Le point commun entre toutes ces formes de vie ? Les atomes qui les constituent, qui portent chacun une étincelle de vie (Alice Bailey a rédigé un essai dans ce sens, La Conscience de l'Atome). Et qu'en est-il des planètes, des étoiles, des galaxies ? Rapidement, le spiritualiste ouvert comprend que la Vie est en toute chose, dès l'instant où il existe un centre, et chaque centre est une forme de vie. Qui inclue de plus en plus la vie dans sa conscience part en quête d'une vérité relative à une autre, pour gagner l'inclusion de la vie.
Voilà pourquoi beaucoup de spiritualités (qu'elles soient sacrées ou laïques, religieuses ou philosophiques, ésotériques ou exotériques d'ailleurs) enjoignent plus ou moins de manière consciente à l'inclusion et à l'inclusivité. La vérité est inclusion ; le séparatisme est hérésie, une voie du mensonge et de l'illusion.
Il s'agit presque d'un principe axiomatique qu'on a retrouvé par la réflexion : toute vérité d'un groupe qui établirait une séparation avec un Autre (une autre entité vivante, que cela soit un individu ou un groupe), ne pourrait être qu'une vérité temporaire et incomplète du point de vue spirituel.
Pour en finir avec l'exemple du concept de "race" évoqué précédemment, on peut donc bel et bien considérer que l'Humanité prise comme un ensemble de groupe, en changeant de paradigme depuis une "hiérarchie des races biologiques les unes par rapport aux autres" vers une notion de "race humaine globale unique composée de communautés plurielles", s'est orientée vers une dimension plus inclusive, plus globale et donc vers une vérité plus grande, plus ample qu'auparavant.
Les six vérités fondamentales pour l'Humanité d'aujourd'hui
A partir de ce que nous avons énoncé, il serait intéressant d'évoquer ce que le Tibétain évoque comme étant des vérités fondamentales. Il précise :
"Ces vérités fondamentales ne changent jamais car elles sont liées à la nature même de la divinité et sont apparues à l'homme par la révélation, à mesure que l'évolution progressait et que se développaient en lui les nécessaires facultés de perception ainsi que la persévérance requise dans la recherche, accompagnant l'épanouissement de la lumière intérieure de l'âme. Ces vérités, inhérentes à la nature divine, révèlent l'âme de Dieu."
(Extériorisation de la Hiérarchie, p.258).
On pourra les comprendre comme l'ensemble des vérités spirituelles qui, à ce jour, ont été dévoilées à l'Humanité par les efforts de l'Humanité elle-même vers une plus grande inclusivité. Cela signifie aussi en creux que ces vérités pourront être complétées par d'autres ou fusionnées dans d'autres vérités à l'avenir :
"1. La loi de Compassion. C'est la vérité des justes relations, de la compréhension aimante, de l'Amour exprimé de façon active. C'est le fondement de la fraternité, l'expression de l'unité intérieure. 2. Le fait de Dieu. C'est la vérité selon laquelle le fait d'Etre est Dieu immanent et Dieu transcendant ; cela implique la reconnaissance du grand Tout et de la partie composante ; c'est la connaissance de la divinité, vérifiée par une relation juste et l'identité d'origine. C'est la révélation de la vie de Dieu, pénétrant tout ce qui est (Dieu immanent) et cette même vie, offrant la relation cosmique encore plus grande (Dieu transcendant) qui est la garantie finale de tout progrès ainsi que de la révélation graduelle. "Ayant pénétré tout l'univers d'un fragment de Moi-même, je demeure" est le défi de la divinité et l'espoir éternel de l'humanité. C'est la réponse de la Vie même aux demandes de l'humanité, aux recherches de la science et à tout le problème mondial. Dieu est ici, présent parmi nous dans toutes les formes d'expression. Il inclut, pénètre et demeure au-delà. Il est plus grand que tout ce qui apparaît. Il se révèle progressivement et cycliquement à mesure que l'homme est prêt à recevoir plus de connaissance. 3. La continuité de la révélation. Toujours, au cours des siècles et à chaque crise humaine, toujours aux heures de nécessité, à la fondation d'une nouvelle race, ou par l'éveil d'une humanité préparée à une vision nouvelle et plus large, le Cœur de Dieu – poussé par la loi de Compassion – a envoyé un Instructeur, un Sauveur du monde, un Porteur de l'Illumination, un Avatar. Il donne le message qui guérit, qui indique le pas suivant à faire par l'humanité, qui illumine un sombre problème mondial et apporte à l'homme l'expression d'un aspect de la divinité dont jusque là il n'avait pas pris conscience. Sur ce fait de la continuité de la révélation et de la succession progressive de cette manifestation de la nature divine, repose la doctrine des Avatars, des Messagers divins, des Apparitions divines et des Prophètes inspirés. Leur existence est indubitablement prouvée par l'histoire. 4. La réponse inévitable de l'humanité. Par ces simples mots, j'ai exprimé la réaction spirituelle instinctive de l'homme et de l'esprit humain immortel aux trois vérités fondamentales énoncées ci-dessus. L'esprit divin de l'humanité doit toujours répondre, et répond très certainement, à l'Apparition divine. Nous en avons le témoignage sûr et prouvé. Il est en l'homme quelque chose d'apparenté à Dieu, qui reconnaît cette affinité lorsqu'elle paraît. Telle est la réalité inébranlable du cœur humain ; la reconnaissance est le résultat et la récompense inévitable de la révélation. 5. Le progrès. La réaction de l'homme et de la masse des hommes à la continuité de la révélation – historiquement prouvée – ne peut pas être niée. Ce fait est à la base de la religion. Les modes de cette révélation peuvent varier, mais chaque révélation nouvelle – donnée en réponse à une nécessité ou une demande humaine – a toujours fait avancer l'humanité vers un but de plus en plus éclairé et vers une gloire plus grande. La révélation peut se faire à divers niveaux de la conscience humaine. Ce peut être la révélation de nouvelles régions à conquérir, terrestres ou mentales. Quelqu'un a montré le chemin. Ce peut être la reconnaissance de nouvelles lois ou de nouveaux faits de la nature, saisis et utilisés par la science ; ce peut être la réponse de l'homme intelligent à une connaissance accrue, produisant un nouveau type de civilisation. Un esprit libéré a montré le chemin. Ce peut être la réponse du cœur humain au Cœur de Dieu, conduisant à la béatitude mystique et à la reconnaissance du fait de l'Existence spirituelle. Ce peut être la réaction de l'homme à un nouvel enseignement, à un plus grand épanouissement, se traduisant par un rapprochement religieux, nouveau et enrichi, vers le centre de la vie. Un Messager a montré le chemin. Mais il s'agit toujours de progrès, de mouvement en avant, de rejet d'une limitation existante, de répudiation de l'indésirable et du mal. Cela implique toujours la reconnaissance du possible, de l'idéal et du divin. 6. La transcendance. Ceci signifie la capacité innée de passer au-delà de la prétendue loi naturelle. Ce dépassement des limitations est permanent et ce processus de transcendance appelle une reconnaissance accrue. Il marque le prochain stade majeur de la manifestation de la divinité en l'homme ; cela signifie domination de la loi physique et triomphe imminent de l'humanité sur les forces qui l'ont si longtemps retenu à la terre. De cette transcendance, l'actuelle maîtrise des airs est le symbole. L'homme parvient rapidement à la maîtrise des quatre éléments. Il cultive la terre, sillonne les mers, est maître des feux électriques de la planète et vole triomphalement dans les airs. La question se pose, maintenant, mes frères, de savoir quelle sera sa prochaine conquête. Une autre transcendance se présente pour l'avenir. C'est l'une des choses que le prochain Avatar révélera."
(Extériorisation de la Hiérarchie, pp.258-260).
Les six vérités fondamentales ici évoquées ne sont pas l'objet d'une déduction. Il s'agit d'un enseignement, c'est-à-dire d'un ensemble de propos qu'il s'agit d'interroger individuellement (ou collectivement) comme des propositions de vérités, avec lesquelles chacun décidera en son for intérieur s'il entre en correspondance avec elles ou non.
(à suivre)