Krishnamurti

Les passages qui suivent sont présentés sous la forme d'un dialogue entre spiritualistes. Il sont extraits d'un ouvrage dont je tairai les références :

Là où un astrologue occultiste donne son opinion sur sa psychologie


- Qu'éprouveriez-vous si vous aviez été voué à une tâche extrêmement haute et difficile, avant même d'avoir eu le temps de "réaliser" votre propre personnalité et de vous rendre compte de ce que vous attendez de la vie ? Ne comprenez-vous pas ce qui s'est produit ? Dès l'âge de garçonnet, Krishnamurti a vécu sous le poids d'une atmosphère pleine d'idées préconçues, quant à sa mission et à son enseignements futurs... Peut-on s'étonner que, dès qu'il a pu penser par lui-même, il ait opposé un esprit de résistance à l'endroit de presque toutes les choses demandées de lui, et qu'il ait incliné vers une philosophie diamétralement opposée à celle qu'entrevoyait la Société Théosophique ? Le fait même qu'il évite délibérément tous les termes théosophiques - alors que beaucoup lui eussent été très utiles - démontre à l'évidence ce qui se passe dans son inconscient.

- Alors je suppose (dit la femme), que c'est cette même réaction de son inconscient qui entre en jeu, lorsqu'on lui pose des questions au cours d'une de ses conférences, et qui l'incite à lancer, chaque fois, contre la Théosophie quelque allusion désobligeante - même si elle n'a rien à voir avec le sujet traité.

- Exactement ! Et maintenant vous vous rendez compte pourquoi il s'est levé, comme Samson, dans un dernier et terrifique effort pour retrouver sa liberté spirituelle, et a brisé les piliers du Temple de la Théosophie...

- Oui, mais il a, du même coup, écrasé les fidèles rassemblés dans le Temple. Estimez-vous vraiment que la liberté spirituelle d'un seul vaut la souffrance causée à des milliers d'autres ? (fit la femme, un brin provocante).

- Mais vous devez vous rappeler que les fidèles eux-mêmes furent largement responsables de la présente attitude de Krishnamurti... Ce que je voudrais faire entrer dans vos esprits, c'est que les incessantes et contradictoires exigences de la foule des prétendus "disciples" qui suivaient ses conférences, en agissant sur sa sensitive aura, l'ont contraint, par manière d'évasion, à émettre cette théorie que disciples et "organisations" constituent des obstacles à l'évolution, plutôt que des valeurs essentielles. En tout cas, discours et conférences me semble toujours être des coups d'épée dans l'eau... Après tout, tant d'orateurs ne nous servent que de vagues généralisations - à moins que ce ne soient des affirmations dogmatiques sur certains états de conscience qui ne sauraient en aucun cas être expliqués, parce qu'il faut les expérimenter, et qui plus est, pour les expérimenter, être né sous la bonne conjonction d'astres : sous certains signes, dans certaines maisons...

- Eh bien ! Il est des plus évidents que je ne suis pas née sous la conjonction d'astres voulue, (fit la femme, en riant) : la philosophie de Krishnamurti n'est, pour moi, d'aucun profit !

- Bien entendu, (répliqua l'astrologue), elle n'est pas utile à n'importe quelle femme : en fait, seules celles qui ont, en tant qu'hommes et dans des incarnations antérieures, pratiqué le Raja-Yoga - par exemple H.P.Blavatsky et Annie Besant - peuvent en recevoir quelque chose. En somme, comme je viens de le dire et ne crains pas de le répéter, cette manière d'écouter les discours d'autres Egos sur la Fraternité ou tout autre idéal, ne peut donner, en ce qui touche l'auditoire, que des résultats superficiels, qui se révèlent inopérants à la première épreuve sérieuse !

[Pouvons-nous néanmoins nous contenter d'une telle explication, réduisant le choix spirituel majeur de refus de Krishnamurti à la simple dimension psychologique ? Si elle occupe une part des raisons individuelles, une autre vérité plus profonde se dissimule derrière cette apparence : ]

Là où un Maître de Sagesse confie ses pensées sur Krishnamurti


- Je crois comprendre (demanda le narrateur) que vous n'approuvez pas entièrement les méthodes de Krishnamurti ?

- Malheureusement, il n'a pas de véritable méthode, depuis qu'il a pris l'initiation d'Arhat et qu'il a cessé d'être le médium du Seigneur Maitreya. Mieux eût valu, à ce moment-là, qu'il se retirât de la vie publique pour méditer dans la solitude, ainsi que les Arhats des temps anciens.

- Je suis un peu dans le vague, au sujet de cette initiation d'Arhat... (susurra le narrateur à son voisin)

- C'est l'initiation au cours de laquelle le Maître retire toute espèce de direction à l'élève, qui peut avoir à résoudre les plus graves problèmes sans être autorisé à poser une seule question, (expliqua le voisin). Il doit se fier uniquement à son propre jugement et, s'il commet une erreur, en supporter les conséquences.

- Mais que fit alors Krishnamuti ? (intervint le Maître). Ce qu'a coutume de faire le serviteur qui sait qu'on est sur le point de le congédier - et se hâte de donner lui-même son congé : en d'autres mots, il rompit tout rapport avec la Loge Blanche et répudia chacun d'entre nous.

- Bien malheureusement (ajouta l'Instructeur du narrateur), il induisit à agir de même un certain nombre de gens inférieurs à lui dans le domaine de l'évolution spirituelle. De plus, au lieu de diffuser la Doctrine nouvelle dont le monde avait un si immense besoin, il échappa aux responsabilités de sa mission de Prophète et de Maître, en revenant, spirituellement parlant, à une incarnation passée, c'est-à-dire à cette ancienne philosophie de sa race qui vous est familière, mais qui s'avère tout à fait inutile, dans le présent Cycle et pour le Monde Occidental.

- Alors, nous avions donc raison ! (s'exclama le narrateur). C'est bien la philosophie de l'Advairté ? [l'Instructeur fit signe que oui].

- Cependant, le public auquel il s'adresse s'imagine qu'il reçoit un Message nouveau et, comme tel, ce Message l'impressionne trop fortement, (dit à son tour le Maître). Le Message que Krishnamurti devait apporter, il ne l'a pas délivré, ou n'en a délivré qu'une partie : rien qui touche à l'Art ; nul plan concernant la nouvelle sous-race ; nul programme éducatif. En lieu et place de tout cela, l'Advaita - une philosophie pour disciples et l'une des voies de Libération les plus fréquemment mécomprises.

- Faut-il donc admettre (hasarda le narrateur), que la mission de Krishnamurti est une faillite totale ?

- Ami, (dit le Maître), vous posez beaucoup de question... Quel usage ferez-vous de nos réponses, si nous vous contentons ?

[Bien qu'ayant grande envie de se confondre en excuses, le narrateur se sentit poussé à exprimer ce qu'il avait au fond de l'esprit :]

- Maître (répliqua-t-il), à cause de Krishnamurti, bon nombre de gens sont dans une grande détresse ; si vous vouliez être assez aimable pour m'éclairer un peu sur ce sujet, je serais peut-être à même de les éclairer eux.

- Bon ! (s'écria le Maître). Le mobile est pur : il sera répondu à vos questions. [...] Celui qui, essayant d'enseigner l'Advaita, néglige de se servir des termes du sanscrit, se condamne déjà par là à l'insuccès. Les mots sanscrits engendrent une vibration occulte qui se perd dans la traduction. Les termes occidentaux ne se prêtent pas à la description d'états de conscience subjectifs, leurs associations d'idées étant pour la plupart trop terrestres. Mon frère Kout Houmi a très justement dit que Krishnamurti avait détruit les nombreux escaliers qui menaient à Dieu, tandis que le sien propre demeurait incomplet...

- Et ne saurait nullement convenir à tous les types d'âmes humaines (ajouta l'Instructeur du narrateur)

- ... donc incomplet (reprit le Maître, suivant son idée), et ceci peut conduire ceux qui tentent de le gravir à des dangers inattendus. Danger numéro un : Krishnamurti, ayant rejeté des définitions et classifications consacrées par le Temps, laisse ceux qui aspirent à a vie spirituelle sans aucune véritable échelle de valeurs. Danger numéro deux : gravir un chemin personnel nécessite une méditation presque constante, laquelle à son tour exige la constante protection d'un Maître - or le Maître n'est pas admis par Krishnamurti (conclut-il, avec un malicieux clin d'oeil).

- Mais, (demanda le narrateur), la protection d'un Maître est-elle toujours nécessaire pour la méditation - je veux dire lorsqu'elle est pratiquée à petites doses ?

- Naturellement un degré modéré de méditation peut se pratiquer en tout sécurité sans Maître, (répliqua l'Instructeur du narrateur). Comme le dit [le Maître], la méditation longuement prolongée mène à certains états de conscience et à des évasions sur d'autres "plans" qui rendent la direction d'un Maître absolumment indispensable. Un autre défaut de ce pseudo-Advaita que prêche Krishnamurti, c'est qu'il s'adresse à la "personnalité" (à l'homme sur le plan physique) tout comme s'il était la Monade ou, du moins, l'Ego. Sans doute que la Monade est la divine Etincelle, est l'Existence, la Connaissance et la Félicité absolues - et par conséquent éternellement libre ; mais il ne s'ensuit pas que la "personnalité" vivant ici-bas sous l'oppression de difficultés karmiques qui semblent ne devoir jamais finir, soit à même de partager cette Conscience absolue de la Monade - ni même celle de l'Ego, qui constitue le lien entre la "personnalité" et la Monade. L'Advaitisme de Krishnamurti, qu'il ne faut pas confondre avec la forme reconnue de cette noble philosophie, ne peut, je le crains, mener ses adeptes nulle part - si ce n'est, peut-être, à l'hypocrisie et au manque de sincérité envers soi-même. Et, après les avoir incités à répudier tous les Maîtres, il se refuse, lui-même, à être leur Gourou. Des enfants criant dans l'angoisse de la nuit spirituelle - et personne pour les réconforter... Celui qui pourrait leur venir en aide s'y refuse et nous, qui voudrions les secourir, nous sommes impuissants, car le Doute a empoisonné leur croyance en notre existence même.

[un peu plus tard]

- Me pardonnerez-vous, (dit le narrateur) si je reviens au sujet que nous discutions ?

- Quoi ? Des questions encore ? (répliqua le Maître avec une feinte sévérité) ; vous nous présenterez sous peu un dictionnaire. Eh bien, allez-y !

- Vous vous rappelez peut-être que je vous ai demandé si la mission de Krishnamurti devait être considérée comme un complet échec ?

- C'est juste. On peut dire qu'elle fut une réussite tant qu'il fut adombré par le Maître du Monde, mais plus tard, une faillite. Il fit de bon travail en enseignant aux gens à user de leur propre jugement, et en leur faisant comprendre... (le Maître s'interrompit et fit signe à l'Instructeur du narrateur). Allons, allons, (dit-il malicieusement), il s'agit de votre disciple, et vous laissez le vieux Monsieur faire tout l'ouvrage !

- Il est mieux entre vos mains qu'entre les miennes (dit l'Instructeur du narrateur en riant - néanmoins, il expliqua à son tour :). Krishnamurti est venu pour briser le vieil ordre de choses, en prévision de l'ordre nouveau. Mais il a démoli beaucoup trop d'élements du passé et il n'a rien préparé pour l'avenir. Néanmoins l'ordre ancien n'est plus et ne saurait être ressuscité. Le temps de l'aveugle obéissance à des chefs est également passé - le salut ne saurait être obtenu par le seul culte rendu à des personnalités dont on accueille chacune des paroles comme un évangile ; car accepter n'est pas nécessairement comprendre. Même un Etre aussi grand que Bouddha disait : "Ne croyez jamais une chose simplement parce que je vous la dis !". L'on peut définir Krishnamurti comme un précurseur dont ce Cycle particulier avait besoin, mais non pas comme le Maître du Monde.

- Mais pourquoi, même un précurseur... (commença le narrateur).

- Qui peut s'arroger le droit de juger quelqu'un sans connaître ses difficultés ? (interrompit le Maître). Toute qualité a forcément son revers. Ai-je besoin de vous demander si vous avez entendu Parsifal ? Non, car vous aimez, comme moi, passionnément la musique. Krishnamurti a la noble simplicité d'un Parsifal : ayant atteint, lui-même, un certain état de conscience et d'évolution, il ne sait pas voir, dans sa modestie, que les autres sont très loin d'y être parvenus. C'est pourquoi il leur prescrit ce qui ne convient qu'à lui-même.



Afin de faciliter les échanges autour de Krishnamurti qui ont été très nombreux au fil des années sur ce site, les commentaires de ce billet sont désormais suspendus. La discussion peut cependant se prolonger sur le forum du Miroir de l'Urobore, directement en cliquant à cette adresse.

Ce billet a donné naissance à un très long échange sortant largement du sujet d'origine. Au-delà de la lourdeur technique des 1350 (sic.) commentaires qui entraînait des difficultés pour la rédaction de nouvelles réponses, j'ai pris conscience de la présence de très nombreux propos injurieux allant même jusqu'à un salut hitlérien.

J'ai donc déplacé momentanément tous les commentaires vers un billet uniquement dévolu à la consultation. En revanche, j'ai conservé la poignée de commentaires que j'estime rester dans le cadre du sujet de ce billet, à savoir la posture de Krishnamurti par rapport à une spiritualité ésotérique.

Le reste me semblant être du hors sujet (ce billet n'a pas pour vocation à servir de tribune personnelle), dans une poignée de semaines, cette page d'archives sera purement et simplement supprimée. Je prie les intervenants ayant échangé avec le visiteur incriminé de bien vouloir me pardonner la suppression de leurs propos avec l'ensemble du fil de discussion.